L’École antistress
L’École antistress
L’École Waldorf cherche avant tout à créer un contexte. Elle lie ce contexte à l’observation qu’elle fait de l’enfant et de son développement, de sorte qu’il évolue d’une phase à l’autre en prenant réellement en considération ce que l’enfant vit intérieurement. Pour ce qui est de l’environnement social plus global, les écoles Waldorf, en tant que mouvement international, cherchent constamment à se renouveler car les enfants qui viennent vers eux sont en grande partie modelés par ce qu’ils vivent ou subissent dans leur milieu de vie.
L’École antistress
par Francine Laterreur
administratrice de l'école Rudolf Steiner de Montréal
Quelle est la meilleure école pour mon enfant? Y a-t-il question plus pertinente que celle-ci? Tous les parents se la posent et reposent tout au long du parcours scolaire de leur enfant. Nous nous trouvons au seuil d’un changement social si important qu’il est difficile pour nous de concevoir qu’elle sera le visage de notre société lorsque les enfants d’aujourd’hui auront 20 ans.
Un seul regard sur les dix dernières années et nous voyons apparaître une culture dont les paradigmes ont été totalement modifiés. Plusieurs questions émergent dans ce contexte et nourrissent nos inquiétudes face à l’avenir de nos enfants. Qu’avons-nous créé en temps que société moderne pour s’assurer que la nature puisse encore et toujours subvenir à nos besoins, autant ceux de notre corps que ceux plus subtils de notre esprit? Comment vivons-nous avec les avancées technologiques qui non seulement nous offrent des outils dont la performance s’améliore à un rythme de plus en plus accéléré, mais qui ont changé notre culture de la communication du tout au tout? Sommes-nous encore en relation avec notre corps maintenant que nous constatons qu’il n’est pas parfait et que nous sommes humains?
Plusieurs études s’intéressent à ces questions et leur relation avec l’éducation. Certaines adoptent un point de vue innovateur qui cherche à ramener un équilibre en cernant de mieux en mieux les facteurs pouvant agir concrètement à ce rétablissement. Existe-il une approche pédagogique qui adopte une perspective totalement différente en prenant pour point de départ l’être humain, ses besoins et son potentiel créatif?
L’École Waldorf cherche avant tout à créer un contexte. Elle lie ce contexte à l’observation qu’elle fait de l’enfant et de son développement, de sorte qu’il évolue d’une phase à l’autre en prenant réellement en considération ce que l’enfant vit intérieurement. Pour ce qui est de l’environnement social plus global, les écoles Waldorf, en tant que mouvement international, cherchent constamment à se renouveler car les enfants qui viennent vers eux sont en grande partie modelés par ce qu’ils vivent ou subissent dans leur milieu de vie.
Renouveler une vision-Cultiver un monde
La petite enfance. De trois à 6 ans, l’enfant est au jardin d’enfants et c’est le début d’un apprentissage qui prend tout son sens lorsque l’on crée un environnement qui stimule et permet l’imitation. En effet, la petite enfance porte en soi cet outil extraordinaire qui devient efficace dans un milieu façonné par l’éducatrice pour créer de multiples possibilités de grandir et d’apprendre. Créer l’espace physique qui permet le jeu libre développe la capacité d’initiative; l’enfant devient un entrepreneur et sa satisfaction d’avoir créé un projet l’emplit d’espoir et d’enthousiasme pour le lendemain. Lorsque cet espace est à l’extérieur, les possibilités de faire et d’agir se multiplient, lui permettant d’entrer en relation avec le vivant. La seule présence de la nature avec toutes ses composantes végétales et animales, offre un milieu d’apprentissage riche de découvertes et de défis.
Partout se manifestent des occasions pour entrer en relation, soit pour les enfants entre eux, soit avec l’éducatrice qui cherche à offrir un modèle de par son langage et sa façon d’interagir avec les autres. Le conte vit dans le groupe, nourrissant le cœur des enfants qui par la suite l’incarnent dans leurs jeux avec spontanéité et ferveur. Les activités manuelles et artistiques, se succèdent et offrent aux enfants la découverte graduelle d’habiletés dans la joie et l’émerveillement des couleurs, des textures, des parfums et du travail accompli. La diversité des activités, conçues à partir de substances nobles (bois, cire d’abeille, coton, soie), permet un développement plus complet des sens, dont l’acuité est beaucoup plus restreinte qu’auparavant.
L’enfance. À partir de la 1re année, les enfants s’intègrent à une classe qui en tant que groupe social est un outil en soi; le professeur cherche avant tout à créer un lien avec l’ensemble, dont l’assise est une autorité affirmative. Ses interventions devant toutes situations, deviennent des modèles pour les enfants. L’enfant peut alors reconnaître au plus profond de lui-même que son professeur est « auteur » de ses gestes, de ses paroles et de l’ambiance qu’il façonne pour le groupe d’enfants dont il est responsable. Ce contexte peut aussi engager tout le personnel de l’école qui crée ainsi le bassin social où les efforts de chacun modèlent l’avenir de tous. Le plan scolaire Waldorf de la 1re à la 5e année, est un tableau cohérent qui tisse continuellement des liens entre les apprentissages et les matières. L’utilisation d’images pour présenter les concepts est au cœur même de cette approche qui éveille l’enthousiasme, aide à construire des liens et de plus rend l’enseignement disponible à un plus grand nombre d’enfants.
Le dessin de forme, une activité pratiquée dès la première année, prépare les enfants à l’écriture mais aussi à la géométrie. L’apprentissage des mathématiques passe par des images concrètes qui évoquent le tout pour arriver aux parties; de l’introduction des nombres à l’expérience fascinante de l’algèbre, le processus cherche à engager chaque élève en offrant différentes perspectives qui leur permettent d’exercer graduellement leur concentration et leur faculté de raisonnement. Durant les 5 premières années, le mouvement y joue un rôle essentiel ce qui permet l’intégration du calcul sous plusieurs formes.
L’histoire est au cœur de l’enseignement, surtout chez les plus jeunes. Elle développe l’écoute, la concentration tout en étant un pilier dans l’apprentissage de la langue première tant au niveau du vocabulaire que de la syntaxe. Il en va de même pour l’enseignement des langues seconde et tierce, qui veulent essentiellement donner à l’enfant une expérience qui permet une ouverture vers le monde. L’exercice du rappel développe graduellement la mémoire et la capacité des enfants à se saisir du déroulement d’une histoire afin d’être en mesure de la raconter à nouveau, jusque dans ses moindres détails. Au fil de ces 5 premières années, le contenu des histoires passe du conte aux mythologies des grandes civilisations, atteignant son apogée en 5e année avec la mythologie grecque et l’histoire de la naissance de la démocratie. Dans cette ambiance de la Grèce antique, le professeur d’éducation physique introduit les 5 disciplines du pentathlon : le saut, le lancer du javelot, le lancer du disque, la course et la lutte grecque. L’année se termine par des Olympiades regroupant plusieurs écoles. Dans ces compétitions, la beauté du geste et le sens du travail d’équipe sont à l’honneur.
Les ateliers artistiques ont une importance très particulière au sein de cette pédagogie qui considère que tout être humain doit avoir eu l’opportunité au cours de son enfance de chanter, de jouer d’un instrument, de faire du mouvement, du théâtre, de la peinture et du modelage. Le but de cet enseignement n’est pas de faire des élèves des artistes, mais bien de développer un sens profond de la beauté et grâce à l’engagement continu exigé par la pratique d’un art, développer la volonté. Cette volonté devient le fondement de la persévérance. De plus, créer apporte la joie, élément essentiel à la santé psychique des élèves. Le travail manuel fait partie intégrale de cette expérience artistique, alliant l’esthétique et l’utilité. Il enrichit l’expérience pédagogique en exerçant la motricité fine qui est un atout important pour le développement du système neurosensoriel.
Voilà quelques exemples de la pratique pédagogique Waldorf qui veut engager l’enfant par la voie de ses sentiments à développer un intérêt pour l’acte de connaissance, ce qui le mènera à vouloir être actif dans le monde.
La pré adolescence.
Au moment où l’élève arrive à la fin de la 5e année et entreprend sa 6e, le corps s’alourdit et graduellement, filles et garçons passent le seuil de la puberté. Le professeur non seulement en est témoin, mais s’engage dans le processus avec eux. Il les accompagne maintenant différemment en leur offrant une nouvelle manière d’entrer en relation. Ceci implique avant tout de la part du professeur, la reconnaissance du fait qu’ils se questionnent d’où l’importance de créer les espaces nécessaires à l’écoute et d’offrir des contenus stimulants, choisis pour refléter leurs aspirations et leurs questions.
La découverte de ce qui vit dans la littérature, surtout dans l’expression des sentiments, devient une substance fondamentale à l’exploration de cette nouvelle réalité. Les biographies, la poésie et le théâtre sont les sources littéraires dans lesquelles l’enseignant puise pour nourrir leur besoin de ressentir intensément les situations et développer leur capacité d’exprimer oralement ou par écrit les sentiments qui vivent en eux. Le programme d’histoire sera particulièrement soutenant durant cette période : il s’étendra de la Rome antique en 6e, où les élèves découvrent les créateurs de la législation, pour cheminer vers le Moyen âge et les grandes invasions.
En sec. I, ils seront stimulés par la découverte des Grands explorateurs et la beauté de la Renaissance. Ils complèteront ce tableau en sec II, dans la rencontre des grandes transformations de la révolution industrielle jusqu’aux réalités des Temps modernes. Cette épopée ne cherche pas la mémorisation des dates et des faits mais une vision d’ensemble des grands moments historiques de par un choix judicieux d’évènements, d’accomplissements et de grands personnages qui ont marqué notre histoire. Quand le contenu devient vivant pour ces jeunes, on voit alors émerger les questions, le pourquoi, le comment et l’intérêt pour les évènements qui ont façonné notre histoire.
L’introduction des sciences occupe aussi une place importante; elles sont abordées dans la perspective phénoménologique, permettant aux élèves de par leurs observations, d’entrer en lien avec le phénomène et de commencer à découvrir les questions qui mènent à une compréhension des lois de la nature. L’introduction de la chimie, la physique, la mécanique et la biologie se développe sur ces trois années consécutives, apportant des assises importantes à la compréhension des lois naturelles tout en préservant la faculté de l’émerveillement et de l’imagination.
Différents ateliers artistiques et manuels se transforment et s’ajoutent à ceux qu’ils pratiquaient dans les petites classes. Le travail à la flûte devient le travail d’orchestre, le chant devient le travail choral, le travail manuel se relie à la connaissance du corps humain par la réalisation de vêtements, le jeu de scène devient théâtre, le modelage devient travail de bois; chaque exercice artistique étant choisi pour amener une expérience qui répond aux besoins. L’éducation physique introduit à ce moment le sport d’équipe sans oublier la jonglerie et d’autres arts du cirque. Plusieurs randonnées sont organisées durant l’année et en janvier et février, un bloc « sports d’hiver » fait en sorte que les élèves se retrouvent dans la nature de manière hebdomadaire. L’eurythmie, un art social, est enseigné dès la 1re année afin de cultiver la capacité d’entrer en relation les uns avec les autres. À cet âge, les élèves explorent davantage leurs émotions, créant leur propre forme pour terminer en sec II avec un solo. Un programme de jardinage est aussi offert à partir de la 6e année, le but étant de faire sur 3 ans une expérience concrète en s’engageant dans un projet qui passe par toutes les étapes nécessaires à l’aménagement d’un espace naturel: potager, plate bande de fleurs, jardin de fines herbes, etc.. Les produits seront récoltés et utilisés soit pour les cours de cuisine ou pour leur consommation personnelle.
Cette grande diversité d’expériences artistiques et manuelles soutient le passage vers l’adolescence amenant au quotidien des défis physiques, émotifs et intellectuels. Ce sont les classes moyennes, de la 6e au secondaire II et les élèves doivent, de par les transformations qu’ils vivent, se relier à une nouvelle réalité dans laquelle ils se trouvent totalement vulnérables. Ils entrent dans une période où leurs sentiments s’expriment de manière chaotique et la pensée cherche de nouveaux points de repère. C’est le chantier d’exploration de la relation humaine qui offre une préparation réelle aux premiers pas de l’adolescence.
Enfin si nous tournons notre regard vers nos enfants, nous pouvons percevoir en chacun d’eux un germe, appelons-le potentiel, espoir ou rêve. Il y a une partie d’eux qui leur est unique et notre plus cher désir est de permettre à ce germe, ce potentiel, d’émerger librement dans le contexte le plus propice à ce devenir. L’éducation Waldorf peut créer ce contexte et répondre aux besoins fondamentaux des enfants tout en les préparant à s’insérer dans un modèle de société qui devient de plus en plus exigeant. Soigner la santé globale en exposant davantage les élèves à la nature, soutenir le développement des habiletés relationnelles et stimuler les processus créatifs; ainsi les enfants d’aujourd’hui pourront s’insérer avec confiance dans un monde en changement continuel et mieux réaliser leur potentiel.