Le corbeau et le renard
Avant de commencer la lecture de cette
fable, faisons (si vous le voulez bien, sinon rendez-vous à la fable..) un peu de "technique" ou plutôt de "métrique" :
L'histoire est racontée en 7 quatrains d'heptasyllabes
(4 vers de 7 pieds chacun), à rimes croisées
(a-b-a-b), sauf le dernier où les rimes
sont embrassées (a-b-b-a). Pas de diversité ni
de variété ici dans le genre des vers, ce qui est
rare chez La Fontaine
La Fontaine n'a pu s'inspirer d'Ésope pour cette fable
puisque les deux versions existantes n'étaient pas
publiées de son temps. "Le rat des champs et le rat de ville" d'Ésope n'était connu au XVIIème qu'à travers Aphthonius ou l'anonyme de Nevelet et par son interprétation par Horace
( Satires, II,6)
La Fontaine confirme sa position : la vie rustique est préférable à la vie citadine, active....
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Jean de la Fontaine (1621-1695)