A la poursuite de l'aventure 3
Alger la blanche se profilait à l’horizon, probablement nommée ainsi pour la couleur de ces maisons la rendant visible de loin en mer. C’était le vrai début de notre aventure. Il y avait presque deux ans, nous avions décidé, avec mon ami Pascal, d’aller revendre au Mali, une Mercédès achetée en Allemagne. Deux ans de travail, beaucoup de rêve et quelques doutes, jamais de découragement. Une préparation racontée dans les deux épisodes précédents. D’ici quelques minutes nous allions poser nos roues en terre Africaine, un aboutissement que nous abordions avec enthousiasme et il faut bien le reconnaitre, une petite d’appréhension.
Premiers pas en Algérie
Le bateau amarré à grands bruits de moteurs, nous sortions au volant de notre Mercédès noire, immédiatement happés par le bruit, la foule et les couleurs. Pour une fois Pascal devenait suiveur, lui que son caractère et ses talents plaçaient presque toujours comme le leader naturel était visiblement plus dérouté que moi par la nouveauté. Il gardait la voiture pendant que j’attaquais les formalités douanières. Beaucoup de monde, pas vraiment de queue compréhensible, un manque d’habitude total pour ce genre de situation m’ont fait passé dans les bons derniers.
La situation restait un peu complexe car la voiture immatriculée en Allemagne n’était pas à notre nom. Mes qualités de négociateur étaient proches de zéro pour ce voyage initiatique. Le stress que j’ai du subir m’a fait complètement oublié la façon dont j’ai présenté la chose. Pourtant, longtemps après, je repartais, nanti d’un douanier pour une fouille du véhicule. Ce fût symbolique, il faut dire qu’après avoir ouvert un coffre rempli de pièce automobiles pas très organisées ni parfaitement nettoyées, l’homme a bien compris que nous n’amenions rien de bien intéressant.
Ce fût ensuite au tour de la police. Pascal qui n’avait vu que la fouille, partie visible de l’iceberg administratif, avait retrouvé un peu de vaillance. Nous sommes allés à tour de rôle faire tamponner nos passeports. De là, direction la barrière qui allait nous ouvrir la porte du continent. Dernier contrôle. La voiture était étrangement en règle, Pascal aussi, par contre un tampon avait été oublié sur mon passeport. Pascal est donc passé seul, pendant que je retournais à pieds à la recherche du tampon perdu. Longtemps après, tampon en poche, je retrouvais mon ami, garé à quelques mètres après la barrière, entouré d’une importante assemblée. Le pauvre avait été assailli de propositions en tout genre, chacun voulant le guider, l’inviter, lui vendre quelque chose. A peine entré dans la voiture il démarra et ne voulu plus stopper jusqu’à ce que nous soyons sortis de la ville et atteins des endroits lui paraissant plus paisibles.
La vie a repris ses droits, il nous fallait changer de l’argent, savoir où dormir, disons plutôt ou garer notre voiture pour y passer la nuit, prendre des informations sur la route, sur la frontière, là bas, très au sud, dans le Sahara. L’Algérie a acquis plus tard une mauvaise réputation parmi les voyageurs, submergés par ses problèmes internes. Mais nous n’en étions pas là et les gens étaient adorables. Le soir nous nous arrêtions sur la place d’un village et nous dormions là, d’abord enfermés dans notre véhicule, puis petit à petit à même le sol sous les étoiles. Les gens venaient nous voir, souvent nous apporter de petits présents de bienvenus, en général comestibles. Parfois nous étions invités à partager leur repas.
En route vers le sud
Ces camps de pétroliers étaient de véritables villes, nous avons eut l’occasion d’y entrer pour demander une aide mécanique. L’entrée a pris du temps mais une fois dedans c’était Noël pour nous. Les employés, probablement content de voir des personnes différentes à leur quotidien de travail, nous donnaient de tout, du carburant jusqu’à la nourriture en passant par de précieux conseils sur les étapes suivantes. Je ne parle pas des apéritifs, dans quel état le conducteur novice que j’étais reprenait courageusement la route ! Heureusement les routes étaient bonnes, larges, droites et presque désertes. En cas de sortie de route, aucun obstacle, seulement du sable.
Bercés par les récits de Frison Roche sur le sud Algérien et ses mystérieux Tassili nous voulions absolument passer par Tamanrasset. Prenant à l’est vers In amenasse nous avons ensuite traversé des paysages magnifiques, des ergs (régions de dunes de sables) aux couleurs envoutantes, des regs d’un noir brillant au feu du soleil, des montagnes ensablées. Ce passage a gravé en moi l’envie d’explorer ces endroits immaculés plus en profondeur, ce que je n’ai réalisé que bien des années plus tard.
Peu préoccupés d’anticipation, nous nous sommes mis dans une impasse. Avec notre voiture, depuis Tamanrasset on aurait peut-être pu atteindre le nord Niger mais pas le Mali qui était notre objectif. Tamanrasset n’était pas ce que nous attendions, comme souvent ces noms de villes mytique correspondent à une réalité bien différente. Peut-être avions nous été des lecteurs naifs des expériences de d’autres, doués pour raconter. Qu’à cela ne tienne, au prix ou était l’essence nous sommes repartis au nord pour un immense détour vers la piste pouvant nous amener au Mali. Quand je parle d’un immense détour je pèse mes mots. J’ai appris à cette époque que rajoutant chaque jour huile et eau une voiture semblait fonctionner toujours.
Nous avions avancé dans la saison. Les petits retards cumulés et notre immense détour nous avait emmenés au mois de juillet. Descendant à nouveau vers le sud nous notions chaque jour une chaleur épuisante. Sur les conseils de Pascal nous nous arrêtions de plus en plus souvent pour laisser refroidir le moteur, avec parfois une pointe d’angoisse de ne pas pouvoir redémarrer, si loin de tout. Plus tard nous ferions une longue pause de 11h à 17h pour rouler seulement aux heures moins chaudes. Nous descendions vers Timiaouine où nous comptions passer au Mali.
Passionnant. Merci.