Jeff Koons et la réalité virtuelle au Centre Phi à Montréal
Les nouvelles technologies doivent-elle être décriées ou ouvrent-elles vers un nouveau monde susceptible de favoriser les rapprochements humains voire une nouvelle forme d’art ? C’est un peu à quoi le spectacle théâtral Jeff Koons présenté au centre Phi est censé nous inviter. Y parvient-il? Au public de le dire.
Jeff Koons © Sylvain Sabati
Sur une scène intime, entre deux immenses écrans, les quelques spectateurs que contient la salle assistent à une certaine virtualité du monde virtuel dans lequel plongent à tour de rôle les trois acteurs. Comme il serait sans doute très difficile de procurer un casque de réalité virtuelle à chacun des spectateurs, seuls les acteurs en possèdent, et encore deux par deux. Quant au public, il doit se contenter de croire à ce qui se projette sur les écrans et qui reflète plus ou moins ce que « vivent » les protagonistes.
Ainsi est-on convié comme spectateur au reflet du reflet d’un autre monde.
Les acteurs sont immergés dans un monde virtuel lorsqu’ils se parent de leur casque et qu’ils empoignent leurs manettes. Tout en restant dans le monde réel, les spectateurs voient les acteurs avec leurs yeux ordinaires et observent en même temps sur les écrans quelque chose qui ressemble à ce qu’ils « vivent » en direct.
La proposition n’est pas inintéressante mais parfois difficile à accepter. Si dans un premier temps, le reflet en dessin analytique du ou des corps des protagonistes se projette sur les écrans, ce qui est assez bien rendu, les spectateurs sont ensuite introduits dans des galeries d’art où les intéressés prétendent côtoyer une foule tandis qu’elles sont vides sur les écrans. On voit bien ce qui sous-tend cette partie : le vide peut se transformer en plein par l’effet des nouvelles technologies. Mais alors quel est le statut de ce qui est donné à voir au public?
La proposition est aussi un ensemble de paroles plutôt que de dialogues et qui évoquent… on ne sait trop quoi. S’agit-il de l’art de Jeff Koons ou de l’art contemporain en général? de la vie et de ses déceptions? Ce n’est pas clair ce qui est probablement voulu.
Sur le moment, j’ai pensé que « ça » parlait plutôt d’art contemporain que d’autre chose, mais cela m’a fait du même coup regretter le peu de références à Jeff Koons lui-même et à son œuvre très controversée, et que j’aurais bien aimé découvrir plus en profondeur étant donné le titre de la pièce.
Finalement, la prestation de 45 minutes n’est pas inintéressante, mais on comprendra qu’elle m’a laissée sur ma faim, ce qui est peut-être aussi le propre de toute œuvre d’art contemporain…
Jeff Koons, du 20 au 23 novembre 2019 au Centre Phi à Montréal
Texte Rainald Goetz
Traduction Mathieu Bertholet, Christine Seghezzi
Mise en scène Dillon Orr
Musique Olivier Fairfield
Assistance à la mise en scène et conception multimedia Guillaume Saindon
Interpretation David Bouchard, Annie Cloutier, Alexandre-David Gagnon
Scenographie Pierre Antoine Lafon Simard
Production Théâtre du Trillium (Théâtre La Chapelle)
Information https://phi-centre.com/evenement/jeff-koons-fr/
www.pieuvre.ca/wp-admin