En droit français l'obligation de remettre aux autorités une convention secrète de déchiffrement est- elle conforme à la constitution?|FR]

in #fr7 years ago (edited)

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En droit français l'obligation de remettre aux autorités une convention secrète de déchiffrement est- elle conforme à la constitution?

C'est cette question qu'ont posé Mme Karim Morand-Lahouazi, avocat au barreau de Paris rejoint par l'association La Quadrature du Net au Conseil Constitutionnelle sous forme de Question Prioritaire de Constitutionnalité. Décryptons ensemble la décision n° 2018-696 de la QPC du 30 mars 2018.

Savez vous qu'est ce qu'une QPC ( Question Prioritaire de Constitutionnalité) ?
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Si vous estimez qu'une disposition législative ( une loi) porte atteinte à vos droits et libertés garantis par la Constitution vous pouvez contester en saisissant le conseil constitutionnel afin qu’elle puisse vérifier si cette loi est constitutionnelle et si elle porte vraiment atteinte aux droits du suspect à condition que vous soyez engagé dans un procès. C’est cette action (saisir le Conseil Constitutionnel à propos d’une législation/loi problématique pour ses droits afin de vérifier sa conformité à la constitution ) qui constitue une question prioritaire de constitutionnalité.

Quelle loi contestent-ils?

L'article 434-15-2 du code pénal issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Que dit cette loi?
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L'article 434-15-2 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

« Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 450 000 € d'amende ».

Remarque:
Pour ceux qui se posent la question:
qu’est ce qu’une convention secrète de déchiffrement?
Une clé de cryptage non-divulgué nécessaire pour le déchiffrement.Cette clé secrète est nécessaire pour décrypter les données .

Pourquoi cette loi est-elle contestée?

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L'article 434-15-2 pénalise "le refus pour une personne suspectée d'une infraction de remettre aux autorités judiciaires, ou de mettre en œuvre à leur demande, une clé de déchiffrement susceptible d'avoir été utilisée pour commettre cette infraction, porteraient atteinte au(x) :

  • droit au silence et au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (parce que parler peut être considéré comme une forme d'aveux)

  • droit à une procédure juste et équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

  • principe de présomption d'innocence garanti par l'article 9 de cette même déclaration
    (Les autorités peuvent supposer que l'on peut être un suspect qui peut être un coupable ou un complice)

  • droit au respect de la vie privée (le secret des correspondances)

  • droits de la défense

  • principe de proportionnalité des peines et la liberté d'expression.

Connaissant les activités de La Quadrature du Net il est certains que cette association s'oppose à cette loi afin de pouvoir protéger les futurs lanceurs d'alertes qui pourront se trouver dans ce genre de situation. Ou pour éviter des condamnations injustes de lanceur d'alerte comme ce fût le cas pour Antoine Deltour avec l'affaire Luxleaks.

Que Répond le Conseil constitutionnelle ?

Elle répond que la pénalisation du refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie est en effet conforme à la Constitution.

Pourquoi?

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On est bien d'accord que l'article mis en cause vise à renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Donc si elle oblige une personne qui a connaissance d'une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre uniquement si ce moyen de cryptologie est susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit et uniquement si la demande émane d'une autorité judiciaire.

Le législateur réussi sont but par rapport à la prévention des infractions et l'autorité judiciaire réalise le sien par la recherche des auteurs et co-auteurs de l'infractions. C'est un tandem nécessaire pour garantir les droits et les principes de valeur constitutionnelle.

Le conseil constitutionnel reconnaît qu'il y a un soucis avec "le droit au respect de la vie privé et le secret des correspondances" cependant les atteintes peuvent se justifier par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée.
Concernant l'atteinte au droit de se taire la cour réaffirme le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire.

Au terme de l'article 29 de la loi du 21 juin 2004 la cour mentionne que constitue un moyen de cryptologie « tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes ou pour réaliser l'opération inverse avec ou sans convention secrète ».

Pour eux "Les dispositions critiquées (la loi) n'imposent à la personne suspectée d'avoir commis une infraction, en utilisant un moyen de cryptologie(chiffrement ou déchiffrement), de délivrer ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement que s'il est établi qu'elle en a connaissance.Elles n'ont pas pour objet d'obtenir des aveux de sa part et n'emportent ni reconnaissance ni présomption de culpabilité mais permettent seulement le déchiffrement des données cryptées. En outre, l'enquête ou l'instruction doivent avoir permis d'identifier l'existence des données traitées par le moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit. Enfin, ces données, déjà fixées sur un support, existent indépendamment de la volonté de la personne suspectée. "

Autrement dit au niveau de l’enquête, les autorités judiciaires ne recherchent pas la culpabilité de la personne parce qu’elle connaît le déchiffrement des donnés cryptés ou la clé de cryptologie. Pour eux leur but n’est pas la recherche de son aveux mais d’obtenir le déchiffrement des donnés cryptés. Par conséquent il n’y a aucune atteinte à sa présomption d’innocence. L’enquête judiciaire doit permettre d’identifier l’existence des donnés traitées par “un moyen de cryptologie”( clé de chiffrement ou déchiffrement) susceptibles d’avoir été utilisé pour préparer, commettre, faciliter une infraction et donc ces derniers(les autorités judiciaires) ont besoin de la coopération du “suspect” pour avancer. D’oú l’intérêt de la loi, d’obligé le suspect à donner la clé nécessaire pour décrypter les données.

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Conclusion:

En sommes la cour considère que les dispositions contestées ne portent pas atteinte au droit de ne pas s'accuser ni au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.
Par conséquent l'obligation de remettre aux autorités judiciaires une convention secrète de déchiffrement cryptologique est conforme à la Constitution française.

Et vous qu'en pensez vous?

Que personne ne vous sortent l'article 1 du code civil:
Nul n'est censé ignorer la loi.

**N'oubliez pas que le savoir c'est le pouvoir alors décryptons ensemble le langage juridique **

Sources:

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