| Série : Episode 1 | Psychiatrie : laboratoire de vie, apprentissage de soi et infrastructure de soin en France.

in #fr6 years ago

Bien le bonjour !

Et oui, 9 mois nous séparent de mon premier et unique post (https://steemit.com/fr/@aerithe77/la-presentation-de-mon-compte-steemit-aerithe77), pourtant il y a eu plusieurs ébauches d'articles autour de l'informatique : notamment autour de la sécurité informatique, en particulier Qubes OS. Néanmoins je n'ai pas eu envie de les poster (et soyons honnêtes, de les finir xD). À mes yeux, je les trouvais assez impersonnels, manquant de profondeur. Puis une excuse venue des profondeurs de mon inconscient sortit du lot : « beaucoup de monde a dû traiter le sujet de mille façons différentes, et probablement des meilleures ! » Mais la réelle raison était tellement évidente que je ne la vis pas de suite : Un sujet, que j'avais peur d'écrire, tout en ayant le besoin de le faire, me brûlait les doigts, et ne cessait de revenir me hanter. Je pense que l'on peut écrire pour partager mais aussi parfois par besoin. Cet article fait partie de la seconde catégorie.

Après prise de confiance, ce besoin fut de plus en plus grandissant : la plateforme Steemit permet de le faire d'autant plus aisément de par son anonymat relatif. Ce qui ne veut pas dire que je souhaite me terrer derrière mon pseudonyme pour autant ! Mais cela permet de toucher un monde conséquent, sans pour autant avoir l'impression de m'exhiber sur la place publique comme IRL. En effet, j'ai longuement hésité à écrire ce post, et de nombreuses fois je me suis imaginé l'écrire, faire la liste de ce que je souhaitais partager. Et en même temps je me disais, a-t-il une réelle utilité ? En bout de course, je me suis convaincu que l'utilité d'un post est relative. Qu'il y a plusieurs réponses à cette question et que l'auteur n'est pas toujours le mieux placé pour y répondre. Mais si le cœur y est et qu'un besoin est sincèrement ressenti, c'est que ça doit être tenté !

Lors de mon dernier article, je vous avais fait part des forces de la vie qui nous obligent à quitter notre zone de confort, puis j'avais quasi instantanément conclu qu'en bout de course ce fut l'une des meilleures choses qui me soient arrivées, sans pour autant m'attarder sur le sujet. Vous vous doutez bien que la volonté qui m'anime aujourd'hui est de vous « détailler » mon parcours, ce que j'y ai appris ainsi que quelques analyses subjectives. Pour cela, et je m'en excuse, je vais devoir vous faire part de mon parcours, et nous allons devoir faire un bond dans le passé. N'y voyez pas une complainte ! De plus, cette description est assez simplifiée, d'une part car c'est un déroulement de faits, mais surtout de pensées, d'événements mentaux et de ressentis (pour la plupart remontant jusqu'à l'enfance, et encore pas complètement clairs.) Voyez-y un contexte, un changement de route qui me poussa à travailler sur moi à temps plein, à abattre une après une mes pensées limitantes, toutes mes croyances ou « vérités » inscrites en moi depuis toujours. En conclusion, à vaincre mes démons et quitter ma prison mentale !

Remontons pour cela au dernier épisode difficile, le plus gros, qui commença durant l'été 2014 (il y en eu d'autre mais pas de cette ampleur) : Je venais de décrocher mon bac avec mention « bien » ainsi qu'une entrée dans un bts audiovisuel réputé. J'avais travaillé dur pendant deux ans pour atteindre cet objectif, dans l'espoir de faire de l'audiovisuel, ma passion, et mon futur métier ! Pour ce faire, je m'étais reposé sur une discipline de fer qui me poussait à être quasi monotâche : Deux activités étaient prioritaires : d'une part les cours, et d'autre part la volonté de rajouter un maximum de lignes sur mon CV : Histoire de connaître au mieux les arcanes de ce milieu, commencer ma formation en ayant les bases ainsi qu'un petit carnet de contacts. Cet objectif était un peu mon talisman magique anti-dépression, j'étais motivé et aussi chaud qu'une cabane à frites !

D'ailleurs les choses se déroulaient plus que bien ! Je me baladais dans de nombreux festivals et tournages en tout genre dans l'objectif de capter le moment présent. J'eus la chance de filmer tous types d'artistes passant de la trance, à la hardtek, jusqu'à des artistes comme Tricky, Julian Marley, les Moriarty et j'en passe...Je vous cache pas que mon été fut plutôt bien chargé et la fatigue commençait à se faire sentir, néanmoins l'euphorie était nettement plus puissante que la complainte de mon corps. Et il n'était, pour l'heure, pas d'actualité de calmer le jeu ! Un sentiment de surefficience un peu à la Limitless était présent et je faisais les choses « bien », sans doutes, ni hésitation. J'avais appris à connaître cet état ces deux dernières années. J'irais même jusqu'à dire que j'avais appris à l'entretenir. À contrario, ce que je ne connaissais pas, c'était la redescente ! J'avais bien de temps en temps des coups de mou et quelques rares crises d'angoisse, mais dans l'ensemble cet état prédominait. Malheureusement au bout d'un temps, comme pour compenser : une angoisse, un stress latent, des céphalées, firent lentement mais sûrement leur apparition.

Je ne sais pas qui est l'auteur de cette phrase, mais comme on dit « À force de vouloir voler avec les anges, on se crame les ailes ! . Cette « métaphore » (certes de faible niveau littéraire), j'ai l'habitude de la sortir aujourd'hui. Mais à l'époque je ne voyais pas ce qu'il y avait de mal à se donner à fond ! Et j'étais loin de me rendre compte qu'elle englobait ma personne.

Facteur aggravant : en 2012, j'avais vécu un gros épisode dépressif suite à la mort de proches.
Et pour moi, cette aisance à entreprendre et « réussir » n'était juste que l’accomplissement d'un investissement, d'efforts et de petits sacrifices dopés à une discipline bien huilée. Une sorte «d' état-récompense » que je considérais comme mérité. Et puis, se donner corps et âme pour un projet est une réponse modulaire assez bien trouvée pour vous faire oublier la peur existentielle de la mort !

Un changement radical s'était donc opéré entre 2012 et 2014, ce qui n'était pas passé inaperçu ! Bien entendu, la pensée collective ou les normes sociales vous poussent de manière sous-jacente à aller plus loin. Un exemple à la con fut le démarchage d'écoles, ou le proviseur adjoint qui tente de vous expliquer qu'un BTS est un niveau assez faible et qu'une prépa serait plus adaptée. Autant vous dire que je m'en battais les couilles de la prépa ! Et lui s'en battait probablement les couilles de mon projet ! Dans mon immense naïveté, ma route semblait toute tracée : je fais mon trou en BTS, je fais des tournages à côté, puis direction l'objectif suivant : école supérieure nationale de cinéma.
Mon ambition en voulait et mon égo se nourrissait allègrement de ça. D'autant plus que j'avais jamais été un crack en cours, bien au contraire ! Habitué à être à la ramasse, tout en m'ennuyant. Cette nouvelle situation me convenait bien ! La quête de performance répondait aussi à des besoins émotionnels : en promettant la rencontre d'un nouveau milieu. Et pour se faire, rien d'autre ne comptait plus que le résultat. De vous à moi (puisque que l'on commence à devenir intimes :P ), vous connaissez beaucoup de personnes qui vous disent : « Tout se passe bien pour toi, mais tu en fais trop. Calme toi ! » ? D'autant plus que j'étais juste un étudiant, pas un astronaute ! Au fond je faisais juste ce qu'on me demandait, tout en prenant ça très à cœur.

Toutefois, au fur et à mesure de mes premiers mois en BTS, je sentis une baisse conséquente de mes capacités cognitives: vision tunnellaire, mémoire à 0, incapacité de gérer mes pensées, à en être le témoin, à prendre du recul, déconnexion des sens, migraines, angoisses, phobies à 200% et l'amère sensation de ne plus être là.
J'allais jusqu'à tenter de mémoriser des plaques d'immatriculations pour me rassurer, mais sans succès ! Mon rythme devenait chaotique et mon renfermement sur moi total. Je ne me reconnaissais plus, j'étais devenu l'ombre de moi-même.
J'allais de moins en moins en cours alors que ce j'y apprenais me passionnait ! Et quand j'y allais, je rentrais chez moi dormir le midi, je retournais en cours, puis retour dans les bras de Morphée à 18h.
La nuit je me réveillais, je taffais comme je pouvais pour faire passer les insomnies.
Je faisais régulièrement des crises de « haines » jusqu'à tout casser. Mais malgré tout, je ne voulais pas abandonner, j'avais tout donné pour arriver là. Et mon isolation passait aussi par le fait de ne plus voir les opportunités qui pouvaient s'offrir à moi. Pour moi, je ne pouvais rien faire d'autre que de l'audiovisuel, rien faire d'autre que de courir derrière cette obsession.
Puis l'inévitable arriva, au bout d'un an et 3 mois, à bout de forces. En plein pétage de plombs, en pleine reprise de consommation de cannabis, d'alcool et d'autres « auto-médicamentation ».
Je demanda mon hospitalisation en clinique psychiatrique en service d'urgence. Une décision poussée par la volonté de ne pas succomber aux idées noires et autres scénarios morbides car le sol de la réalité se dérobait chaque jour un peu plus.

Je me rappelle parfaitement de mon premier rdv avec la Psychiatre du service : « Voilà : je me sens à bout, j'ai perdu l'accès à mes ressources intellectuelles, pouvez-vous m'aider ? Combien de temps je vais devoir rester ici ? » Elle me répondit qu'une hospitalisation de 2 semaines devrait aider. J'y restai 3 mois durant le premier séjour et compris vite que la durée qu'elle m'avait exposée avait juste pour but de me rassurer.

En tout et pour tout, je suis resté environ 1 an en Unité Post Aïgue (UPA), étalé sur 4 séjours, puis 1 an en unité Temps Plein.

Si vous êtes arrivé là dans la lecture de cet article : BRAVO, vous venez de passer les lignes les plus noires. C'est maintenant que je vais prendre plaisir à écrire, car ces séjours ont changé ma vision d'appréhender les choses, et c'est ce que j'ai réellement envie de partager avec vous !

En effet j'écris dans le but de casser les clichés, la stigmatisation de ces lieux et des personnes faisant appel à ces services. Pour lutter contre la méconnaissances des troubles ainsi que du tabou que la psychiatrie suscite dans notre société. Et je l'espère en fin de série avoir donné, humblement, un peu de motivation, de courage et d'espoir à ceux qui passeront par des états de souffrance, quel que soit leur parcours !

Dans le second article de cette série, je vais vous exposer mes « commandements-perso » tirés de mes différentes expérimentations mentales (et métaphysique) durant mes séjours, le rôle d'une hospitalisation et ses potentiels bienfaits ainsi qu'une analyse sur le système psychiatrique français dans le but de souligner ce que je considère comme très bien et ce qui pourrait être revu.

Hésitez pas à me poser des questions dans les commentaires ! Que ce soit intéractif ! Je peux aussi expliquer le fonctionnement de l'hospitalisation dans une partie ! (Je ne sais, par exemple, si une de vos connaissances ou vous même vous posez des questions ou a peur de passer le pas)

Un grand merci à ma correctrice, Jade, mon cœur ! (#dyslexique inside:P)

Stay Tune et à bientôt dans la matrice !

Aerithe77

Sort:  

Salut, un grenoblois, c'est fun. Bon ta live un peu moins, tout ce qui ne tue pas rend plus fort, alors tu dois être fort. Je te souhaite plein de réussite ici et ailleurs à plus

Ma live n'a plus rien à voir maintenant, grâce à la chance que j'ai eu d'être pris en charge ! Tu t'en rendra compte lors des prochains articles de la série :) Je crois pas trop au hasard, si la vie te met des difficultés sur ton chemin, c'est qu'elle considère que tu es capable de les franchir mais surtout qu'elle sont ont un rôle "éducatives"

tant mieux si tu es en phase up à plus

Bravo pour ton témoignage courageux!
Pour avoir eu un ami atteint de schizophrénie déclarée lorsqu'il était jeune adulte, le parcours entre hospitalisation, prise en charge psy et insertion dans le monde d'adulte n'a rien d'une sinécure loin de là.

Merci de ton commentaire et de m'avoir lu ! Ca fait chaud au coeur ! C'est vrai que c'est un travail qui nécessite beaucoup de temps et d'énergie avant d'en voir les bienfaits. Mais c'est possible de vivre avec une qualité de vie plaisante ! Ca me semble important de le dire et le partager ! Surtout que les termes schizophrénie, bipolaire ect font peur, d'abord à soit même, on se dit qu'on peut aller encore plus loin dans les abysses. Et ça fait peur aussi à l'environnement. C'est en partie pour ça que j'ai envie d'écrire sur ce sujet afin démystifier la chose. Car ça ne doit pas faire peur ou provoquer une honte chez le souffrant comme chez les accompagnants !

Un témoignage sincère et touchant sur un mal trop peu connu de tous. Upvoté à 100% !

Wow merci pour cet upvote, ça me touche d'autant plus venant de la communauté qui m'a toujours aider à mieux comprendre steemit !

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