La guerre des paysans-forains

in #fiction6 years ago

Ce texte est la retranscription d'un de mes rêves lucides, avec seulement quelques modifications pour coller au contexte, occulter les passages que j'ai oublié ou rendre le récit plus vivant. J'ai fait en sorte de respecter au mieux le rêve initial. 

             J'errais dans une plaine aux allures très géométriques, avec des butes perpendiculaires et pas la moindre touffe d'herbe qui dépassait de la ligne du sol clairement marquée. Je n'avais aucune idée de comment j'étais arrivé ici, et aucun souvenir de pourquoi j'étais parti. Le ciel était d'un couleur complètement uniforme, et cet endroit provoquait une sorte de malaise de par sa simple allure trop millimétrée. À mesure que je vagabondais, j’arrivai enfin à un grand bâtiment aux couleurs grises très prononcées, et avec cette même uniformité incommodante. Mais ce n'est pas ce détail qui retînt mon attention : en effet, un groupe de robots vaguement humanoïdes étaient debout près de cette battisse, et me fixaient patiemment. Sans m'arrêter de marcher, je les examinai de plus près : ils possédaient 4 membres, à l'instar des hommes - ce qui laisse supposer qu'ils étaient de fabrication humaine, et leurs articulations étaient surmontées de grands cônes de métal, probablement destinés au combat. Leur carrosseries étaient de couleurs chaudes. Une voix synthétique résonna :

 Nous sommes les représentants des robots de couleur respectivement verte, jaune, et rouge.

             Je ne savais que répondre à cette annonce, et ces machines continuaient de me fixer en l'attente de quelque chose que je ne pouvais deviner. Soudain, elles se tournèrent les uns vers les autres, et commencèrent à se frapper violemment avec leurs articulations renforcées. Des robots surgirent du fond de la plaine et du bâtiment, et tous se battirent vigoureusement. Profitant de la confusion, je commençai à courir. Pourquoi un tel changement de situation ? Et ces robots n'étaient-ils pas amicaux il y a quelques instants encore ?

             Entre deux esquives de carcasse projetées ou de changements de direction brutal, je me rappelai d'un mot que les robots avaient prononcés : les représentants des robots de couleur respectivement verte, jaune, et rouge. Respectivement... comme si c'était la couleur de leurs carrosseries qui était la cause de ce conflit... Je souris à cette idée, et soudain un souvenir de la raison de ma présence ici me revint :

Il y avait un conflit d'ordre religieux dans cette région.

             Devais-je le résoudre ? L'étudier ? Malheureusement, ma mémoire ne me donna pas de plus amples informations. Un débris qui se ratatina à quelques mètres de moi me ramenai à la réalité : l'heure n'était pas à la réflexion mais à la survie. J’apercevais devant moi un petit chemin de campagne aux allures naturelles et courbées. J'y courrai aussi vite que possible, et bientôt le fracas du métal n'était plus qu'une douce et lointaine mélodie.

             Il convenait de mettre les choses au clair : j'étais un étranger au beau milieu d'une guerre de religion. Et dans cette situation, je doute que l'on m'accueillerait à bras ouverts. Il me fallait donc être discret et trouver un moyen de me défendre. Une incohérence frappa mon esprit : comment avais-je pu sortir sans une égratignure d'un combat de machines meurtrière, et les semer sans aucun problème ?

Mon rôle dans cette mission était particulièrement agile et rapide.

Mon rôle ? Ce conflit serait-il un grand jeu de rôle ? Dans ce cas, je n'aurais pas de scrupule à avoir si j'ai à tuer...

             Au cours de ces réflexions, j'avais machinalement marché le long du chemin. Il s'agissait d'un petit chemin de campagne herbeux, avec quelques arbres sur la droite, et des champs clôturés sur la gauche. Ce chemin était nettement plus reposant que le premier endroit que j'ai pu visiter. Cependant la situation dans laquelle je me trouvais ne l'était pas du tout. J'arrivai à une vieille grange en pierre, où du matériel d'agriculture était entreposé sans grande précaution. Nul doute que j'étais au cœur de la campagne, au sein d'une exploitation particulière. Une arme, voila ce qu'il me fallait. J’attrapai dans un premier temps une fourche, au cas où quelqu'un me surprendrait ici. Puis je fouilla plus minutieusement, et tomba sur des outils plus intéressants : posés contre un mur, se trouvaient une grosse pelle et quelques autres outils. Je jeta la fourche au profit de la pelle, plus lourde et en meilleur état. Mais je remarqua un outil étrange, qui était posé à côté de la pelle, constitué d'un manche en plastique solide jaune, et d'une lame courbée perpendiculaire au manche, d'un tranchant et d'un largeur remarquable. Je n'avais jamais vu un tel outil, mais je repris ma route, fier de mon nouvel équipement qui ressemblait plus à une arme qu'à autre chose...

             Derrière le bâtiment se dressait ce qui ressemblait à un camp de forains. Cependant, la position de ce camp montrait clairement qu'il s'agissait des paysans qui s'occupaient de cet endroit. Il devait donc s'agir de paysans-forains, probablement bien plus malins et dangereux que s'ils n'avaient eu qu'une seule de ces professions à la fois. Mais je n'allais pas me laisser impressionner : si j'ai su être plus rapide que des robots tueurs, je pouvais être plus malin que des paysans-forains. Puis soudain, un message venu de loin résonna à nouveau dans mon esprit :

Mon rôle n'est pas de la même religion qu'eux, ce sont donc mes ennemis.

              Je m'avança donc prudemment et me cacha derrière une énorme voiture. Étonné, je l'examina de plus près : on aurait dit une sorte de 2 chevaux du futur, haute de 3 mètres de haut, avec des vitres teintées noires, et probablement une armure et des armes capables de permettre une fuite sécurisée pour quelques dirigeants. Des dirigeants... Je profita de la présence de cette magnifique voiture pour tester le tranchant de ma lame : aussi dangereux que ce que j'espérais, la rayure était profonde sans la moindre difficulté.

             Soudain des phares qui provenaient du camp m'éblouirent. J'étais certainement repéré, mais je tenta tout de même de me cacher, un conflit inutile n'était pas souhaitable. La voiture passa très lentement, et se rangea sur le côté pour s'arrêter. Je n'avais pas bougé, mais je me doutais qu'il allait venir vérifier et sonner l'alerte. La tension monta brutalement. Je couru très rapidement en direction de sa voiture. L'adrénaline me donnait une vitesse de perception que je n'aurais jamais cru possible : je voyais ma cible bouger au ralenti. Le bruit de la portière retentit. Je bondit magistralement à plusieurs mètres de haut, la lame en avant, mais je remarqua que le paysan-forain n'était même pas encore sorti de sa voiture. J’atterris donc violemment sur la voiture garée juste à côté, à la stupeur du forain qui avait juste commencé à sortir sa tête de la voiture. Mauvais timing, me dis-je, mais je tenta tout de même de lui trancher le sommet de la tête avec un saut périlleux au dessus de lui. Mais il fut plus vif que prévu et je ne coupa qu'un bout de portière. J'avais sous-estimé mon adversaire qui était maintenant furieux. Pire que ça, bientôt, sans que je n'ai remarqué le moindre signal d'alarme, de toute part les véhicules s'allumèrent, les lumières s'agitèrent et les hommes se pressèrent. Il allait falloir se battre.

             La voiture - qui était par chance tous ce qu'il y a de plus banal - de mon adversaire démarra, et bientôt il fonça droit sur moi. Un simple mouvement de côté me permit de l'éviter. Il fit demi-tour en dérapage, et recommença. Je sauta au-dessus de son véhicule et atterris quelques mètres derrière. Il n'y avais aucun problème pour éviter ses attaques, mais contre attaquer n'allait pas être facile... La voiture fonça sur moi en dérapage. Je me colla contre la clôture. Mon ennemi était face à moi, à l'arrêt. Il faisait ronronner son moteur et me fixait avec un sourire moqueur. Je jeta un coup d’œil derrière moi : la hauteur des clôtures était bien plus grande qu'avant l'alarme. Cet idiot devait me croire piégé... Je bondit en arrière sans plus de précautions, et atterris à ma surprise et à l'ahurissement du paysan en équilibre sur un pied sur les barbelés. Je le toisa avec arrogance.

             Sur le chemin, les véhicules étaient maintenant partout. Mais dans le champ, il y avait seulement un pauvre scooter qui peinait à avancer vers moi. Je sauta de ce côté-ci  et courra. En un coup le 2 roues étaient à terre. Je ne pris pas la peine de me retourner pour l'achever, il y avait un piéton désarmé en face de moi. Encore un fois ma vitesse me permit d'arriver sur mon adversaire avant même qu'il ne me repère. Je lança trois attaques rapides avec mon arme, dont deux l'effleurèrent  à peine sur la tête et la jambe, et la troisième qui aurait dû lui ouvrir la gorge ne passa même pas à travers son écharpe. Désemparé et fou de rage, je jeta mon outil sans intérêt et en un éclair son écharpe était en l'air et je l'étranglais vigoureusement. Sa tête était rouge, mais je n'avais pas le temps d'attendre qu'il manque d'air. J'attrapai sa tête entre mes jambes et le projeta sauvagement sur le sol, puis je lui tordit le cou d'une façon à faire pâlir le plus chevronné des catcheurs. Alors que je lâchais sa tête blanchâtre, je vis 2 pieds près de moi. Merde, un autre ! Je roulai en arrière, mais cette fois-ci je n'ai pas évité le coup. Je perdis connaissance instantanément.

             Quand je me réveilla, j'avais la tête face contre un vieux canapé pliable. Il avait des vieux motifs de fleurs et une couleur déteinte par l'âge. Je me releva. La salle était étroite et obscure. Il y avait tout juste la place pour le canapé et un sèche-linge aussi vieux que le reste, sur lequel pendaient quelques pinces à linge. En me tournant vers l'autre côté de la pièce, je vis une épaisse toile d'araignée tout près de moi. Elle était plein de poussière. Alors que je l'observai, je vis soudain une grosse araignée, noire et velue, en son centre. Et après le clignement de mes yeux, il y en avait 5 en tout qui prenaient toute la largeur de la toile. Bien que je n'aie pas peur des araignées, je fut surpris. Cette surprise me ramena à la réalité : j'étais retenu prisonnier par les paysans-forains, et...

Mon rôle est de m'enfuir, quitte à tuer tout ceux qui se dressent sur mon chemin.

             Je m'intéressais maintenant à la porte de la salle. Elle était en bois, cassée à de nombreux endroits mais toujours capable de fermer. Sa serrure était faite pour les grosses clés. J'entendis l'écho de conversations en dehors. Je n'ai pas pu comprendre, mais mon intuition me dit cependant ceci :

Je suis en train d'être jugé. Ces gens sont les chefs des paysans-forains. Ils ne me sont pas inconnus, je les connais depuis d'autres horizons. Mais dans cette sphère d'existence, ce sont mes ennemis, et je dois les éviter à tout prix.

             Je ne savais pas où voulait en venir ce message, mais cependant j'avais très bien saisi comment atteindre les objectifs de mon rôle : les épingles à linge contiennent du fil de fer, que je peux utiliser pour crocheter la serrure. J'étais sur le point de m'atteler à la tâche quand soudain la réalité changea. Je perdis à nouveau mes repères, mais seulement partiellement. Et surtout je conservai tous les souvenirs de cette aventure, ce qui signifie que j'ai seulement voyagé dans l'espace de manière involontaire...

             J'étais dans une sorte de grande salle de bain. Il y avait 2 éviers. Je me dirigea devant l'un d'eux, et je remarquai soudain la présence d'une personne. Pas n'importe qui à vrai dire...

Une connaissance d'une autre réalité. Une des chefs des paysans-forains !

              Je devais impérativement m'enfuir. Je venais d'être téléporté involontairement, donc la sphère de réalité était instable. Puisque je pouvais la reconnaître, elle aussi pouvait faire ces voyages. Et si j'arrivai à la perturber mentalement, ses ondes psychiques pourraient se brouiller suffisamment pour que je prenne la fuite et atteigne mon objectif. Cependant pour cela, je devais d'abord retourner dans ma cellule, sinon l'incohérence sera remarquée et l'équilibre ne pourra être rétablit. Qu'à cela ne tienne, maintenant je suis prêt.

Après un moment de silence où elle se contentait de laver de la vaisselle, j’engageai les hostilités :

Ouais, de toute façon, tu n'est qu'une vulgaire projection de mon subconscient !

             Je retînt ma respiration. Sa réaction était décisive. Soit elle comprendrait mon subterfuge et m'attaquerais, soit sa puissance mentale serait insuffisante et elle allait accepter la suggestion. Tout reposait là-dessus, une simple suggestion...

Ouais, quand j'étais avec Nico je devais tous le temps laver le brad, c'était chiant...

             Je n'ai pas attendu la fin de sa phrase pour me ruer sur la porte. C'était une grande maison bourgeoise, avec de nombreuses et grandes salles. J’aperçus du coin de l’œil une autre connaissance, et je me mis à courir à travers les salles. Je devais retrouver ma cellule, m'en enfuir à nouveau et sortir de cette maison. Je traversa des salles à manger et diverses autres salles sous les yeux ébahis des chefs du clan. J'avais été repéré par un système de surveillance, je le sentais, même si je ne pouvais en déterminer la nature. Les chefs eux-même étaient trop choqués pour me poursuivre, et j'étais de toute façon bien plus rapide que n'importe quel humain ou robot naturellement constitué. Mais quelque chose me suivant de salle en salle, observateur, calme, silencieux.

             Arrivé à un grand couloir avec des portes à droite et un escalier à gauche, j'entamai une descente quand je fut stoppé net par... l'un d'entre eux qui montait. Ils étaient décidément nombreux. L'escalier était trop étroit pour que je passe, saute, ou fasse une quelconque acrobatie. Je devais remonter l'escalier sans qu'il me reconnaisse, comme je l'ai fait avec la première. L'instabilité de la sphère était beaucoup plus forte après toutes ces rencontres, et il me reconnut vaguement. À vrai dire, je ne compris mot de ce qu'il dit, mais il passe finalement et commença à aller d'où je venais. J'étais pris d'un doute singulier. En effet, s'il savait que j'étais son ennemi, pourquoi ne m'as-t-il pas tué sur-le-champ ?

L'instabilité...

             Mais bien sûr ! Cette vicieuse instabilité empêche nos rôles respectifs de fonctionner normalement, et je devais retourner dans la cellule avant de courir un risque réel. Voila pourquoi j'ai passé si facilement toutes ces salles. Et puisque personne n'a d'intérêt à maintenir cet état de réalité, il allait m'aider.

Au fait, juste une chose, où se trouve ma cellule ?
En face de toi, dis-t-il en souriant.

             Puis il continua sa route. J'étais effectivement face à la vieille porte déglinguée de ma cellule. J'étais passé à côté sans la voir, dans ma précipitation. Je m'en approcha. Bientôt tout allait reprendre, la stabilité allait être rétablie. Mais un dernier facteur changea radicalement mon interprétation de la situation de la sphère d'existence actuelle : le chef ajouta simplement :

« Ah, au fait, tard. » avec un clin d’œil.

             Je compris parfaitement ce que cela signifiait. Il était trop tard. Réparer l'anomalie en retournant dans ma cellule m'a pris le temps qu'il m'aurait fallu pour sortir du manoir. L'instabilité allait s'accentuer au point d'éjecter tous les voyageurs hors de cet univers. Et je sais à quel point ce genre d'éjection peut être violent.

             Il ne restait qu'une chose à faire. Je posa ma main sur la poignée. Je centrai mes pensées. Je tourna la poignée, ma détermination atteignit son point culminant. Je poussa la porte et j'entrai, puis je me retournai sans même jeter un coup d’œil sur mon ancienne cellule. J'étais prêt. Pour effectuer un voyage, il faut une concentration optimale, une détermination sans faille, et un état cérébral alpha stable.

Je fermai la porte et me laissai tomber en arrière, lentement, sans me retenir.

Quand je me relèverais, je serais dans une autre sphère de réalité.

             Je tomba dans un sol sans fin. Puis une obscurité mystérieuse m'entoura - on ne se souvient jamais du voyage -, et enfin je me retrouvai engourdis dans un lit, allongé sur le ventre. Je lève la tête : face à moi, un radio réveil de technologie électronique primaire affiche 10h44. De nouveau, les instructions de ma mission ici abondèrent dans ma tête : 

Il reste exactement une minute avant que le réveil ne sonne...
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