Pablo escobar de bitcoin
De Tokyo — Quand le Français Mark Karpelès, le PDG de Mt. Gox, qui fut un jour la plus grande bourse d’échange de bitcoins au monde, a déclaré son entreprise en faillite après le piratage de 850 000 bitcoins (qui valaient environ un demi-milliard de dollars à l’époque) en février 2014, il ne mentait pas tout à fait. Mais il ne disait pas exactement la vérité non plus. Il dissimulait un fait étrange, que nous n’avons appris que très récemment.
Il apparaît qu’au moins 80 000 bitcoins ont été piratés avant même que Karpelès ne prenne la tête de l’entreprise, et que ce cyber-braquage initial a enclenché une spirale de problèmes qui ont peut-être bien conduit directement à l’effondrement financier de la société.
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Kerpelès lors de son arrestation en août 2015
Crédits : Newscom
La semaine dernière, nous avons obtenu des e-mails internes, des contrats, ainsi que d’autres documents relatifs à l’implosion de l’entreprise de Karpelès, Mt. Gox. Assortis d’informations fournies par un ancien employé qui s’occupait de la comptabilité de le société, les documents révèlent de nouveaux détails sur les raisons de la faillite de Mt. Gox.
D’après l’avocat de Karpelès, Nobuyasu Ogata, l’un des e-mails en question a été présenté au tribunal comme pièce à conviction par la partie civile pour démontrer que Karpelès ne se montrait pas coopératif avec ses clients. Le même e-mail, cependant, peut servir à l’innocenter pour d’autres chefs d’accusation. Mais n’allons pas trop vite.
Mt. Gox, qui fut un jour la plus grande bourse d’échange de la monnaie électronique décentralisée, a déposé le bilan pour faillite en février 2014, lorsqu’il s’est avéré que 850 000 bitcoins, alors d’une valeur de 450 millions de dollars, s’étaient volatilisés ou bien avaient été dérobés par des hackers. Mt. Gox a également fait état de la perte de 27 millions de dollars en espèces. Le 7 mars 2014, une semaine après les faits, Mt. Gox a déclaré avoir « retrouvé » 200 000 bitcoins disparus, après avoir remis la main sur un vieux porte-feuille égaré.
Le 1er janvier 2015, les enquêteurs de la police métropolitaine de Tokyo ont conclu après leurs investigations préliminaires que seuls 1 % des bitcoins manquants (soit 7 000 BTC) l’étaient pour cause de cyberattaques. La police suspecte que les 643 000 autres bitcoins ont été retirés des comptes clients par une personne inconnue.
« Je soupçonne que les bitcoins manquants ont été dérobés par un des employés de l’entreprise », nous avait confié Mark Karpelès à l’époque. « J’ai essayé d’en parler à la police, mais ça n’a pas semblé les intéresser. J’ai été aussi coopératif que possible durant l’enquête mais j’espère qu’ils ne me visent pas. Je n’ai rien volé. »
À l’origine, la société a été conçue comme une plateforme d’échange de cartes à jouer. Non pas de cartes Pokémon, mais de cartes Magic: The Gathering, un jeu très populaire chez les gamins qui ont abandonné tout espoir de devenir « cool » au lycée – une sorte de jeu de cartes Donjons et Dragons pour mordus de fantasy.
La société en question s’appelait Magic: The Gathering Online eXchange, d’où Mt. Gox tire son nom peu commun. Mais rapidement, les nerds des débuts ont été laissés à la traîne, quand les bitcoins sont entrés en jeu et que les cartes Magic ont été mises à l’écart. Ce n’est qu’ensuite qu’un gros montant en bitcoins a disparu des radars.
À ce jour, 650 000 bitcoins d’une valeur de 292 millions de dollars restent donc toujours introuvables, et Karpelès fait face à plusieurs chefs d’accusation – dont aucun ne concerne directement cette disparition de monnaie virtuelle : entre autres, détournement de fonds de ses clients et falsification des données de sa plateforme.
En novembre de l’année dernière, les procureurs Japonais ont finalement réuni les charges retenues contre Karpelès, après l’avoir arrêté de nombreuses fois dans l’espoir qu’il avoue chacun des crimes qu’ils le soupçonnaient d’avoir commis.
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Il est important de prendre en considération le fait qu’une des raisons pour lesquelles les procureurs japonais ont un taux d’incarcération de 99 %, c’est qu’un suspect peut être retenu jusqu’à 23 jours après son arrestation, sans pouvoir être assisté de son avocat durant les interrogatoires. Si la libération sous caution lui est refusée, la police et les procureurs ont encore davantage de temps à leur disposition pour l’interroger. Au final, la plupart des gens finissent par avouer ce qui leur est reproché – coupables ou non.