Bakkt devait Institutionnaliser Bitcoin (BTC) – Bilan d’une Année contrastée
BAKKT, 5 lettres un peu barbares, voilà un nom qui résonne de plus en plus dans le petit monde du Bitcoin et des cryptomonnaies ces dernières années. En effet cette société a depuis ses débuts eu un objectif très clair : institutionnaliser le marché du Bitcoin et des cryptomonnaies. Ce n’est certainement pas la seule, ni la première et encore moins la dernière à présenter cette ambition de faire plonger le Bitcoin et les cryptomonnaies dans le grand bain des investisseurs institutionnels. Cependant c’est sans doute une des rares à disposer des moyens nécessaires à la réalisation de ses ambitions.
Bakkt, c’est quoi ?
Bakkt est une filiale de ICE (Intercontinental exchange), ni plus ni moins que la société mère du NYSE pour New York Stock Exchange. A la lecture de ces multiples acronymes, on comprend mieux que l’on a à faire à quelque chose de sérieux. Dès lors, où en est le projet Bakkt aujourd’hui et comment souhaite-t-il révolutionner le marché du Bitcoin et des cryptomonnaies ? Plongeons ensemble dans les méandres d’une des sociétés les plus influentes dans le monde des cryptomonnaies (a priori) !
De grandes attentes, beaucoup de communication et… un flop ?
Le moins que l’on puisse dire est que ce projet a connu de nombreuses péripéties dès ses débuts. En effet, les institutions financières américaines n’ont pas forcément vu d’un bon œil l’arrivée du Bitcoin sur les marchés financiers institutionnels. Ainsi, le projet de Bakkt qui devait voir le jour au début de l’année 2018 a eu presque deux ans de retard. Deux ans nécessaires pour obtenir l’approbation de la CFTC, la commission américaine sur le trading des produits dérivés.
Des années d’attente, des investisseurs de premier ordre comme Microsoft ou encore Starbucks, les produits dérivés Bitcoin de Bakkt sont devenus une réalité en septembre dernier seulement. Si certaines rumeurs laissaient penser que l’arrivée de Bakkt allait révolutionner le marché du Bitcoin, en créant un choc de demande grâce aux investisseurs institutionnels, cela n’a pas été le cas, loins de là. En effet, les volumes d’échange des produits dérivés de Bakkt s’avèrent très, très, faibles depuis son lancement, des volumes qui frôlent parfois le zéro pointé !
Les produits dérivés du même type des sociétés CME et Deribit ont beaucoup plus de volume que Bakkt, une situation qui s’explique peut être par le fait que ces sociétés offrent des solutions de trading de produits dérivés sur le Bitcoin depuis plus longtemp sur le marché. Et oui Bakkt n’a pas été la première société à se positionner sur le marché, et si on a pu croire un moment que son lien de parenté avec la maison mère du NYSE lui procurerait un avantage compétitif, la réalité du marché et des volumes échangés est toute autre depuis le lancement de la plateforme Bakkt.
De plus, n’en déplaisent à ceux qui s’attendaient à un raz de marée, l’arrivée de la société américaine sur le marché n’a pas eu d’effet si ce n’est celui d’un coup d’épée dans l’eau pour le cours du Bitcoin.
Représentation des volumes d'échange de Bitcoin entre les différentes plateformes d'échange et d'échange de produits dérivés
Après de grandes attentes, les volumes d’échanges de produits dérivés de Bitcoin ne décollent pas sur Bakkt
Le top management de Bakkt désormais dans la tourmente
Après avoir été la CEO de Bakkt depuis la création de la société, Kelly Loeffler a dû quitter la tête de la société en décembre dernier afin d’honorer sa nouvelle fonction de sénatrice américaine. Pour la petite histoire, dans ses nouvelles fonctions, l’ancienne CEO ira siéger à la CFTC. Et oui, cette même commission qui mis plus de deux ans à approuver le lancement de la plateforme de produits dérivés Bitcoins.
Jusqu’ici tout allait bien pour Kelly Loeffler et son mari Jeffrey Sprecher, elle devenue sénatrice et lui toujours à la tête de la société ICE, maison mère de Bakkt et du NYSE. Il est quand même à noter que le couple vit plutôt bien : plus de 3 millions de dollars de salaire annuel cumulé par Kelly Loeffler et un bonus de 9 millions de dollars pour la nouvelle sénatrice à sa sortie du poste de CEO de Bakkt. Son mari, lui, déclare des revenus annuels aux alentours des 14 millions de dollars.
Kelly Loeffler, ancienne CEO de Bakkt et nouvelle sénatrice américaine aux côtés du président Donald Trump.
Kelly Loeffler, accusée de délit d’initié aux côtés de Donald Trump
Aucun problème à être millionnaire aux Etats-Unis et s’insérer en politique, il suffit de regarder les politiques américains actuels pour voir que l’argent et le pouvoir vont souvent de pair. En revanche ce qui est reproché à Kelly Loeffler ainsi qu’à son mari est d’avoir commis un délit d’initié.
En effet, le nouveau poste de sénatrice de l’ancienne CEO de Bakkt lui octroie un accès à l’information supérieur à la moyenne. Cet accès à l’information dans la période de pré-crise du COVID-19 a ainsi permis au couple de vendre de manière massive sur les marchés financiers juste avant que ceux-ci ne s’écroulent à l’annonce de mesures mondiales de confinement sanitaire. Kelly Loeffler se défend de ces accusations en expliquant que les positions d’achat et de vente concernant ses actifs sont réalisées par une société tierce et non pas par elle-même ce qui pourrait la disculper.
Après le départ de Kelly Loeffler, Mike Blandina qui avait pris la suite au poste de CEO de Bakkt à l’automne dernier a annoncé son départ de la société. Tout cela seulement 4 mois après sa prise de poste. Les raisons de son départ restent encore flous et dans le communiqué de presse de Bakkt il est expliqué que l’homme est coutumier du fait et qu’il a décidé de quitter la société pour se concentrer sur de nouvelles opportunités. Pour le remplacer, les dirigeants ont propulsé David Clifton à la tête de Bakkt en tant que CEO certes, mais un CEO par intérim comme on peut le voir sur le site web de Bakkt. Tout laisse donc à penser qu’un nouveau CEO arrivera prochainement pour prendre sa place, en espérant qu’il accepte le poste pour plus de 4 mois…
Nouvelle levée de fonds et nouveaux projets pour Bakkt
Après avoir bouclé début 2019 une première levée de fonds de 187 millions de dollars Bakkt revient à la charge, cette fois-ci avec près de 300 millions de dollars supplémentaires ! Parmi les investisseurs, on retrouve une fois de plus Microsoft mais aussi Intercontinental exchange la société mère de Bakkt, le Boston Consulting Group ou encore Pantera Capital. De bien beaux noms pour un projet qui peine encore à montrer sa véritable valeur sur les marchés.
En prenant en compte la situation économique actuelle, Bakkt souffre en effet de la frilosité des investisseurs institutionnels. Alors que l’ensemble des marchés financiers sont dans l’incertitude, l’idée de se lancer sur le marché du Bitcoin leur paraît sans doute trop risqué encore.
Ainsi, fort de ses 300 millions fraîchement injectés, Bakkt ambitionne de diversifier son offre vers les consommateurs particuliers. En effet, la plateforme de trading s’est lancée dans le développement d’une application qui ressemble un peu à la énième “killer App” du marché des cryptomonnaies.
Après l’institutionnalisation, bakkt souhaite démocratiser l’usage des cryptomonnaies pour les particuliers et les entreprises
Ainsi, l’offre de Bakkt se décline en 4 produits :
Un portefeuille digital
Un gestionnaire de programme de fidélité
Une solution de crypto trading
Un système de paiement
Alors, est-ce que ces nouveaux produits arriveront à faire oublier le flop de la plateforme d’échange de produits dérivés en Bitcoin lancée par Bakkt à l’automne dernier ?
Aperçu de plusieurs modules de l'application Bakkt incluant la vision du portefeuille et plusieurs graphiques.
Aperçu du design de l’application Bakkt destinée aux particuliers
Une chose est sûre, les ambitions de Bakkt sont toujours aussi grandes et leur App va au-delà du marché des cryptomonnaies. En effet la promesse de leur portefeuille digital est de pouvoir visualiser l’intégralité de vos avoirs, qu’ils soient sous forme de cryptomonnaie, de cash ou de miles dans vos programmes de fidélité. L’objectif affiché est clairement celui de venir remplacer l’application de votre banque ou même de votre néo banque en y incluant des actifs que l’on ne considérait pas forcément comme ayant une valeur palpable comme les programmes de fidélité par exemple.
La solution proposée autour des programmes de fidélité permet notamment de visualiser en cash les miles que vous avez pu acquérir dans le cadre de multiples programmes. Si la stratégie à l’air alléchante sur le papier, on voit bien en filigrane que Bakkt mise plus sur le cash que sur la crypto, d’ailleurs la solution de paiement proposée par la société ne vise pas à payer en crypto mais plutôt à convertir vos cryptos en cash, intéressant mais pas vraiment fidèle aux yeux des puristes des cryptomonnaies.
Enfin, Bakkt développe maintenant des offres dédiées aux commerçants pour leur permettre de mettre en place le système de paiement par points de fidélité. La société se targue de disposer d’une base de clients de plus de 1500 entreprises dont 7 sociétés financières de premier ordre, 2 compagnies aériennes et plus de 1000 commerces.
L’application devrait être rendu disponible dès cet été, avec un peu de chance le lancement de l’app prendra moins de temps que le lancement de la plateforme de produits dérivés. Rencontrera-t-elle un grand succès ? Seul l’avenir nous le dira, une chose est sûre, il faut espérer que les volumes des téléchargements de l’application dépasseront les volumes de produits dérivés échangés avec Bakkt.